12 novembre 2013


Attendre

Ce sentiment, cette impression d’être en état d’attente... il l’avait depuis sa naissance, il le portait dans ses gènes. Sa mère l’avait attendu longtemps et l’avait eu après cinq filles à l’âge de quarante ans. Elle lui avait transmis cette sensation d’être toujours dans un état d’attente.
Enfant il ne savait pas distinguer cette tristesse au fond de lui, très souvent il restait des heures devant une fenêtre à regarder la rue, il attendait ou assis sur un mur bas, les yeux parcourant les alentours, il attendait, il attendait le bus pour l’école, le train pour l’université, l’avion pour les voyages, il attendait. Il attendit sa future femme à la Mairie et ses enfants il les attendit tenant la main de sa femme.

Avec son attende il eut une vie normale et presque heureuse. L’attende faisait partie intégrale de sa personnalité, il ne savait pas comment vivre sans attendre, sans cette mélancolie.
A l’automne de sa vie, quand ses enfants étaient déjà loin et quand le silence s’était établi entre sa femme et lui, très souvent il aimait prendre sa voiture et se balader sans itinéraire précis. Souvent il échouait dans une rue inconnue, dans un café banal, s’asseyait et tout en sirotant son café, il attendait.

Par un jour d’hiver glacial et pluvieux, il roulait sur une route secondaire, il roulait lentement, la route était déserte, la brume cachait la fin de la route. Il roula vers cette brume. Arrêta le moteur et sortit de la voiture. Un léger voile gris-bleu l’enveloppa, un parfum de lavande accompagna cette brune, il marcha sans voir, une impression de flotter le submergea, et alors il vit la main qui se tendait vers lui, l’attente était terminée….