" On ne vieillit pas tous les jours un peu, mais par à-coups. Il arrive qu'on stationne longuement sur le même palier, on se croit oublié et puis d'un seul coup, on prend dix ans.
Mais la vieillesse comporte elle aussi une sorte de jeunesse, elle prend son temps pour s'installer. Elle vous quitte et vous reprend avec une désinvolture odieuse. Il arrive qu'on se retrouve dans une même journée encore très bien et déjà très mal !
Comme dans la jeunesse, les choses se mettent à vous arriver pour la première fois : la première douleur dans le genou, un jour en montant un escalier...
Le territoire de la fatigue s'est élargi et s'élargira chaque jour.
Vous commencez votre vieillesse.
Au début, on fait face. On gagne quelques batailles, on parvient à retarder l'invasion au moyen de manœuvres de plus en plus complexes et coûteuses. Il n'est pas encore venu le temps où l'on passera autant d'heures à colmater les brèches qu'à vivre.
J'avais le privilège de pouvoir regarder sans angoisse les premiers signes du mal sur mon corps, parce que quelqu'un l'aimait. Je tapotais mon ventre un peu bouffi et moins musclé sans trop d'ecoeurement parce que quelqu'un l'aimait. Je contemplais avec résignation le ramollissement progressif de mes bras parce que quelqu'un m'aimait.
Mon rictus,mes pattes d'oie qui se creusaient... Tiens, c'est bien ennuyeux, mais quelqu'un m'aime. Aucune dégradation ne pouvait m'abattre aussi longtemps que Gauvain me désirerait".
Certes, François m'aime mais sans me rassurer sur mon physique qu'il ne voit pas changer. Il fait partie de ces hommes qui vous proposent de vous photographier le matin précis ou l'on s'est levé du mauvais pied et du mauvais œil, le cheveu incoiffable, le teint particulièrement blême et la robe de chambre avachie comme elles ont tendance à être, les garces, dès qu'on n'a plus trente ans et qu'elles ont plus de trois mois. Et le "mais je te trouve très bien comme d'habitude", jette le discrédit sur tous les compliments passés et futurs.
Gauvain, lui, n'est pas "gentil", il est foudroyé par mes charmes... "
Benoîte GROULT
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