11 mai 2020

Une histoire dhamour





Esther et Yachiel


Esther et Yachiel sont mes grands-parents maternels. Ma mère racontait un peu de leur vie, mais surtout elle racontait son amour réciproque pour son père, qui la portait sur ses épaules et se promenait sur les quais d' Izmir.

Ce qui suit est 
Le fruit de mon imagination.

L'histoire débute à l'époque de l'Inquisition en Espagne, Les pêcheurs d'une des iles grecques Ikaria ou Icare découvrent par un matin brumeux et froid, un groupe d'hommes, femmes et quelques enfants sur la plage habillès de haillons. Un bateau fantôme s'éloigne vers l'horizon. 

Les pécheurs et les nouveaux -venus se regardent, chacun parle une langue différente, les uns tendent leurs mains, les autres les aident et les dirigent vers le village. Leurs bagages sont maigres, quelques ustensiles de cuisine, des chandeliers, quelques bijoux, héritages d'ancêtres disparus, quelques livres de prière, rudiments d'une fuite vers cette île dirigée mollement par l'empire Ottoman.

Ainsi commence la saga de ma famille.

Une communauté se forme dans cette île. Les habitants grecs orthodoxes, les nouveaux venus juifs Séfarades

Le chef des nouveaux venus est Abraham, haut de taille à la chevelure blanche et les yeux verts perçants, il a dû abandonner sa femme Rebecca au cœur fragile dans la profondeur des eaux de la Méditerranée en murmurant le Kaddish.

La vie se forme doucement L'espagnol s'enrichit de mots grecs, On respecte les bougies de Chabat et le dimanche à l'église. La communauté se forme, pauvre mais fière pour les uns comme les autres.

Au village à l’école, on apprend le grec, à la maison le père lit la Torah. 

Vers la fin du 18ieme siècle parmi les descendants d'Abraham, Moche est marié à Mary, Ils ont deux fils, Yachiel et Abraham. Yachiel l'ainé à la chevelure rousse comme le feu et les yeux verts perçants comme son aïeule, les races se battent dans son corps. La mère se signe devant la croix, le père murmure des prières dans une langue inconnue.  Il étouffe dans cette île. À 15 ans il travaille à la boulangerie, il aime l'odeur du pain, il regarde sans fin l'horizon, il voudrait fuir. Abraham le cadet est doux et aide son père à la menuiserie.

Par une soirée d'automne sans lune discrètement il fait son baluchon avec du pain et quelques vêtements et se dirige vers le port.

Il rode, regarde les bateaux et discrètement se faufile sur un des bateaux de l'Empire Ottoman. Il se cache dans un coin obscur, le sommeil et les émotions tombent sur lui comme un voile.

Un coup de pied, des cris le réveille à l'aube, la peur lui tord le ventre, les larmes brouillent ses yeux verts. Le soldat turc l'attrape par l'oreille et le met debout.

Les soldats le regardent, lui parlent, ils rient de sa chevelure, Il regrette déjà son île. On lui apporte du pain et du café noir amer. Ils sont plutôt gentils.

Le soir le bateau arrive dans un port, dans un moment d'inattention des soldats, il se faufile dehors. Il rode dans des rues obscures longtemps et finalement il s'endort  près de la porte d'une boulangerie,

Izmir il est arrivé à destination.

Esther 15 ans, fille unique d'une famille séfarade vivant dans un village près d'Izmir. Esther est belle, haute de taille pour une femme de son époque avec des énormes yeux bleus et une chevelure rebelle et frisée couleur de blé.

 On est à une époque, où on aime les femmes douces et soumises.

Esther a un tempérament farouche, un caractère impulsif, dure au travail, exigeante pour elle et son entourage, elle n'est pas facile à vivre, ses parents pensent qu'elle ne pourra pas trouver de mari.

Elle se bagarre pour tout avec sa mère à qui, par son caractère lui ressemble comme deux gouttes d'eau.

Très souvent elle accompagne son père au marché d'Izmir pour s'éloigner de la maison et avoir quelques temps avec son père qu'elle adore.

Au marché elle se sent revivre, les odeurs, les couleurs, les cris des marchants lui font la fête, les odeurs des mets cuisinés par les villageois l'attire mais elle n'oserait pas manger non Kasher près de son père.

Surtout elle aime regarder en cachette ce beau garçon qui pétrit le pain dont l'odeur de cuisson embaume la boulangerie. Lui ne la regarde pas. 

Ce jour-là le dernier achat est à la boulangerie, pour la première fois il lève les yeux et se perd dans le bleu de ses yeux, c'est le tonnerre, c'est l'éclair, c'est la fin du monde, la lune change de direction, les étoiles s'entrechoquent.

Mariage éclair, 3 enfants, 2 garçons et ma mère Rebecca. Ils s'installent à Izmir, Ils travaillent dans une pâtisserie. Le soir Rebecca se blottit dans ses bras et respire les odeurs de toutes les douceurs qu'il fabrique.

A 32 ans Il meurt d'une péritonite, Esther s'habillera de noir jusqu'à son dernier jour.

Ma mère Rebecca aux grands yeux bleus et moi qui imagine........


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