31 mars 2013



Le Modèle

De petite taille, un corps qui avait l'apparence d'être à peine sorti de la puberté, elle était un modèle recherché par les peintres et les  sculpteurs de cette ville en haut de la montagne. Pendant la saison des vacances les touristes qui affluaient, achetaient tableaux et sculptures où elle figurait dans des différentes poses toujours avec un ruban jaune qui retenait ses boucles folles aux couleurs  cuivre.

Georges avait soixante-quinze ans, il était veuf, il vivait dans un grand appartement près de la place centrale, Il aimait l'art, surtout la sculpture régionale de tous les pays. Sculptures d'Afrique et Esquimaude se côtoyaient dans une grande vitrine qui parcourait les deux murs de son salon. Une femme maya tournait son dos à un Monk chinois, un Andalou côtoyait un Aztèque. Un méli-mélo de cultures vivait harmonieusement et en paix dans ce  domaine.

Son fils lui rapporta de son séjour à la montagne une statue en bronze de  grandeur moyenne, d'une femme-enfant assise sur un tabouret les genoux pliés sous elle, un vrai ruban jaune retenait ses boucles folles.

Georges comme chaque fois qu'une nouvelles statue venait habitait chez lui, avant de la posait dans la vitrine, la posait sur une table en face de son fauteuil préférée. Il la contempla quelque temps dans tous les angles et décida que si elle n'était pas une œuvre d'art, une force émanait de cette figure. Deux mois plus tard elle prenait place à côté d'un Kamikaze Japonais.

Le Kamikaze avec son foulard blanc s'écarta d'un millimètre de sa nouvelle voisine.

02h37 du matin un fracas fait sursauter Georges de son sommeil, la fin du monde? La bombe atomique? Il allume sa lampe de chevet, chausse ses pantoufles, et se dirige vers son salon. L'immense vitrine s'est écroulée, le sol est jonché de débris de verre, et de morceaux de statues fracassées. Ébahi il regarde la fin du monde…pour lui c'est la fin du monde, des années à collectionner assidûment, envolées sans raison apparente en débris. Il regarde attentivement si quelque chose a survécu, il ne voit que la destruction…. Soudain son regard se pose sur la table près de son fauteuil, elle est là, le Kamikaze, sans tête repose à ses pieds….




10 mars 2013



La Novice


Le printemps faisait revivre les arbres dans les forêts qui entouraient Jérusalem. Nous avions décidé de marcher vers la source, de photographier les premiers bougeons  des amandiers, capter le vol des papillons et nous enivrer des étendues vertes, où les ronces de tous genres faisaient leur apparition avant de devenir des épines brunes et sèches.

Nous marchions, le clic de nos appareils photographique s'ajoutait au bourdonnement des abeilles, le soleil nous réchauffait, l'hiver s'effaçait de nos corps

Dans cette nature en réveil une ombre grise se faufila derrière un amandier, elle se cacha puis se retourna, une novice appartenant à un monastère proche, respirait le printemps, timidement elle s'approcha de nous, un visage d'ange aux grands yeux bleus, une  peau délicate, une toute petite bouche, presque un enfant habillé de gris, d'une robe qui ne laisse deviner son corps, un bonnet couvrant sa chevelure.

Nous, trois femmes mûres, habillées de jeans et de sweat shirts, chaussées de gros souliers de marches, cette apparition inattendue nous amusa, elle parlait italien et français, on la questionna, elle baissa les yeux et répondit à toutes nos questions, elle ne voulait pas qu'on la photographie.

Assises sur les racines d'un grand acacia nous bavardâmes longuement, elle nous  raconta sa courte vie et sa Foi, sa croyance qui lui montrait le chemin et qui l'avait transportée dans ce couvent près de Jérusalem, elle bavardait, nous racontait, son voyage mystique avec une voix d'ange et une force à faire bouger les montagnes. Et nous, trois femmes contemporaines l'écoutions en silence et étonnement, sans doute cela existait encore, la Foi les anges……

Elle se leva, se sépara de nous, en joignant les mains et disparut dans la nature printanière.

Nous reprîmes notre marche vers la source, muettes, sans les clics de nos appareils, quelques plumes blanches tournoyèrent autour de nous durant le reste de la marche, des anges nous suivaient, nous protégeaient, cela existe…….